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Un choc après que son père eut choisi l’aide médicale à mourir

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Victime d’un choc post-traumatique après avoir assisté au processus d’aide médicale à mourir de son père, une femme de Lévis souhaite sensibiliser les autorités à l’importance de bien encadrer les personnes qui sont témoins de cette pratique.

«Cette journée-là, c’est la pire journée de ma vie. Elle roule en boucle dans ma tête depuis le 24 février 2018. Je me bats tous les jours contre cet état-là. C’est invivable», confie entre deux sanglots Nathalie Faucher.

À la veille du réveillon de 2017, son père, Gilles Faucher, recevait un diagnostic de cancer du péritoine. L’homme de 72 ans venait d’être rapatrié de la Floride par avion-ambulance, à la suite de douleurs persistantes au ventre. «Il n’y avait plus rien à faire. C’est incurable. Il n’y a pas de traitement, pas d’opération. C’est fini», résume sa fille.

Hospitalisé à l’Hôtel-Dieu de Québec, son état se dégrade rapidement. Sa situation est telle qu’en février, il informe ses proches qu’il réclamera l’aide médicale à mourir. «Il a dit qu’il menait une bonne vie, qu’il en avait profité énormément», relate-t-elle.

Ambiance de fête

Sa demande a été accueillie, la procédure a été fixée au 24 février 2018. Ce matin-là, une vingtaine de proches et d’amis se sont réunis au chevet de Gilles Faucher. De la musique jouait, une vidéo souvenir avait été présentée.

«On n’était pas dans une ambiance où la mort est à nos portes. Mon père avait toute sa tête, il était encore bon vivant, il parlait avec les gens, ils se rappelaient des souvenirs. On était dans une ambiance de fête», dit-elle.

Deux médecins se sont présentés dans la chambre. M. Faucher a donné à nouveau son accord à l’AMM. «On s’est mis en cercle autour du lit. Ils ont sorti des grosses seringues avec un liquide laiteux, ils ont commencé à l’injecter. Et ce que je vois, c’est sa tête partir vers l’arrière», raconte-t-elle, la voix étouffée par l’émotion.

Submergée par la tristesse, Nathalie Faucher s’est mise à hurler. «Je suis tombée, je me suis ramassée sous le lit. Mon conjoint m’a relevée. Je tremblais tellement. J’ai été des jours à trembler. Mon père, c’était toute ma vie», lance-t-elle, atterrée.

Plus de préparation

Traitée pour un choc post-traumatique, la dame n’en a toutefois pas contre l’aide médicale à mourir. Elle réclame cependant davantage d’encadrement pour ceux qui assistent aux derniers moments de vie de leur proche.

«On n’arrêtait pas de nous dire que ça se passerait en douceur. Mais pour moi, ça a été atroce», plaide celle qui n’a pas été en mesure de reprendre le travail depuis. Témoin de l’état qui envahit Nathalie Faucher chaque jour, son conjoint abonde dans le même sens. «L’aide médicale tue à petit feu ma conjointe», résume Olivier Laurin.

«Exceptionnelle et très rare»

Une réaction aussi forte que celle vécue par Nathalie Faucher face à l’aide médicale à mourir reçue par son père est «exceptionnelle et très rare», avance le Dr Alain Naud, qui a prodigué ce soin à quelque 80 malades dans la région.

En 34 ans de soins palliatifs au CHU de Québec, le Dr Naud n’a jamais été témoin d’un tel choc émotif. «Je n’ai jamais expérimenté ça», tranche-t-il. Selon le médecin de famille, qui n’a pas voulu commenter le cas précis de Mme Faucher, les personnes qui assistent à la procédure réagissent majoritairement «très bien» dans les circonstances.

«Mourir avec l’aide médicale à mourir, ça reste mourir, avec tout ce que ça implique de charge émotionnelle pour ceux qui restent. Des deuils difficiles, ça a toujours existé. Ça existe avec l’aide médicale à mourir et ça va toujours continuer d’exister», nuance-t-il.

Accompagnement

Faut-il mieux soutenir les personnes qui assistent à la procédure d’AMM d’un proche, comme le demande Nathalie Faucher? «C’est une question très pertinente», répond la travailleuse sociale Michelle Girard, qui a œuvré une trentaine d’années au CHU de Québec avant de prendre sa retraite, l’an dernier.

À l’arrivée de l’aide médicale à mourir en décembre 2015, Mme Girard s’était fait un devoir d’accompagner la famille en amont et en aval. Un mois après le décès, de sa propre initiative, elle faisait systématiquement un appel à un proche «significatif», pour s’enquérir de son état.

«Et je lui posais clairement la question : est-ce que le fait que l’être cher soit décédé par l’AMM rend votre deuil plus difficile? Dans 98 % des cas, la réponse était non. La personne était contente d’avoir été là jusqu’à la fin, de lui avoir tenu la main», dit-elle.

À la demande de certains malades, Michelle Girard a assisté à certains cas d’AMM. Elle n’a non plus jamais vu de gens s’effondrer comme ce fut le cas pour Mme Faucher. «De façon générale, il y a beaucoup de peine, beaucoup de pleurs, et c’est normal. Mais qu’une personne ne se sente pas bien et s’effondre, non», expose-t-elle.

Pas de protocole

Mme Girard et le Dr Naud reconnaissent que les travailleurs sociaux ne sont pas toujours disponibles à l’hôpital pour accompagner les proches, et qu’il n’existe pas de protocole strict pour encadrer ce soutien.


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