TÉHÉRAN | L’Iran a mis en garde lundi contre les possibles conséquences de la «guerre économique» des États-Unis à son encontre, en recevant le ministre des Affaires étrangères allemand Heiko Maas à Téhéran.
«On ne peut pas s’attendre à ce qu’une guerre économique contre le peuple iranien continue et que ceux qui soutiennent cette guerre ou l’ont déclenchée restent en sécurité», a déclaré le ministre des Affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif.
«Les nouvelles tensions dans la région sont le résultat de la guerre économique contre l’Iran», a affirmé M. Zarif en faisant référence à la campagne de «pression maximale» des États-Unis contre Téhéran, notamment via l’arme des sanctions économiques que Washington a réimposées ou intensifiées depuis 2018.
«Le seul moyen de faire baisser les tensions (...) est de mettre un terme à cette guerre économique», a ajouté le ministre iranien lors d’un point de presse avec M. Maas.
«L’Allemagne et l’Union européenne peuvent jouer un rôle important pour faire baisser ces tensions, et nous les soutenons dans ce rôle», a encore dit M. Zarif.
«Il y a (déjà) la guerre en Syrie et au Yémen», a de son côté affirmé M. Maas. “Nous voulons empêcher à tout prix» que les choses dégénèrent ici, a-t-il ajouté.
Rencontre tendue
La région du Golfe traverse depuis près d’un mois une période jugée à hauts risques sur fond de tensions accrues entre l’Iran d’un côté et les États-Unis et leurs alliés de la péninsule Arabique de l’autre.
Ces tensions sont liées à la grande défiance qui règne entre Washington et Téhéran depuis que le président américain Donald Trump a décidé unilatéralement, en mai 2018, de sortir son pays de l’accord international sur le nucléaire iranien conclu à Vienne en 2015.
Elles ont été exacerbées par l’annonce de l’envoi de renforts militaires américains importants au Moyen-Orient, officiellement pour faire face à une présumée «menace iranienne», et par le mystérieux sabotage de quatre navires (deux bateaux saoudiens, un norvégien et un émirati) à l’entrée du Golfe le 12 mai.
Washington et Ryad ont accusé l’Iran d’être derrière ces attaques, ce que Téhéran a farouchement nié, tandis qu’une enquête multinationale a conclu à la responsabilité probable d’un «acteur étatique» sans incriminer Téhéran.
Lundi, MM. Zarif et Maas sont sortis de leur entretien visiblement crispés.
«Nous avons eu une discussion sérieuse, franche et plutôt longue», a déclaré M. Zarif à la presse. Les deux hommes ont indiqué avoir discuté de l’avenir de l’accord de Vienne et de la situation régionale.
M. Maas était arrivé dans la nuit à Téhéran, dernière étape d’une tournée régionale de quatre jours l’ayant mené en Irak, en Jordanie et aux Émirats arabes unis.
Avant sa rencontre avec M. Zarif, il avait exhorté la République islamique à respecter l’accord de Vienne et à “maintenir le dialogue avec l’Europe” alors que Téhéran multiplie les récriminations à l’encontre des pays de l’Union européenne.
«Pas de miracles»
Depuis le retrait américain, l’Allemagne est, avec la France, le Royaume-Uni, la Russie et la Chine, l’un des États encore parties à l’accord de Vienne.
Aux termes de ce texte, l’Iran a accepté de limiter drastiquement son programme nucléaire, afin de garantir qu’il ne cherche pas à se doter de l’arme atomique, en échange de la levée d’une partie des sanctions économiques internationales asphyxiant son économie.
Mais, face aux conséquences du retrait américain, l’Iran a menacé en mai de s’affranchir progressivement de ce pacte à moins que ses partenaires, en particulier européens, ne l’aident à contourner ces sanctions.
Les sanctions américaines rendent pratiquement impossible la moindre transaction internationale avec une banque iranienne et de récentes mesures prises par Washington visent à empêcher totalement l’Iran d’exporter son pétrole, première source de recettes pour l’État.
Alors que les grandes entreprises européennes sont dissuadées de la moindre relation commerciale avec l’Iran du fait du caractère extraterritorial des sanctions américaines, l’UE est apparue jusqu’à présent désarmée pour permettre à l’Iran de bénéficier des retombées économiques que le pays escomptait de l’accord de Vienne.
M. Maas lui-même n’a pas apporté de solution concrète permettant de répondre aux exigences iraniennes. «Nous ne ferons pas de miracles», a-t-il dit, «mais nous faisons tout ce que nous pouvons pour éviter (que l’accord de Vienne ne se transforme en) échec».
Selon la présidence iranienne, le président Hassan Rohani a reçu M. Maas et exhorté les Européens à «mettre en oeuvre des actions concrètes et sérieuses» pour «sauvegarder» l’accord.
À Vienne, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a estimé devant la presse que l’accord était «sous tension» et confirmé que «le rythme de production (d’uranium enrichi par l’Iran était) en augmentation».
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui accuse l’Iran de n’avoir jamais renoncé à se doter de l’arme atomique a réagi à l’annonce de l’AIEA en déclarant dans un communiqué: «Israël n’autorisera jamais l’Iran à développer des armes nucléaires qui menacent notre existence».
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