Washington | Des soldats condamnés pour crime de guerre graciés par le président, au retrait de Syrie, en passant par le rejet des militaires transgenres, les décisions du commandant en chef Donald Trump sont de plus en plus déstabilisantes pour le Pentagone.
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L’extraordinaire limogeage du chef de l’US Navy dimanche n’est que le dernier exemple en date des relations tumultueuses du président américain avec ceux qu’il appelait affectueusement au début de son mandat « mes généraux ».
Les grâces accordées récemment par M. Trump à plusieurs soldats condamnés pour crime de guerre ont provoqué une telle crise au sein de la justice militaire américaine qu’une tentative maladroite du chef de l’US Navy Richard Spencer pour sauver les apparences s’est soldée par un fiasco qui lui a coûté son poste.
M. Spencer a proposé un accord secret avec Donald Trump sans en informer le ministre de la Défense, Mark Esper, qui s’est senti trahi et qui l’a limogé. Le chef du Pentagone a néanmoins dû s’incliner quand le président lui a ordonné d’exonérer totalement l'un des soldats, Edward Gallagher, dont le cas était défendu par la chaîne conservatrice Fox News.
« Trump affaiblit la justice militaire pour faire avancer ses intérêts politiques », a estimé sur Twitter Caitlin Talmadge, une experte des questions de défense à l’université de Georgetown. Elle a ajouté que le président américain, qui complimente volontiers les dirigeants autocratiques, « adule ceux qui violent les lois de la guerre ».
Même si le milliardaire américain semble avoir un certain soutien parmi les non gradés qui l’acclament régulièrement lors de ses visites sur des bases militaires, les premières tensions avec la hiérarchie militaire sont apparues très vite, lorsque M. Trump a annoncé à l’été 2018 par un tweet qu’il comptait interdire à l’armée américaine de recruter des transgenres, une nouvelle politique qui commençait juste à être mise en oeuvre.
Le milliardaire américain a aussi pris le Pentagone de court en annonçant un peu plus tard devant les caméras l’envoi de militaires à la frontière avec le Mexique pour contenir l’immigration clandestine.
Administration « dysfonctionnelle »
Il y a eu aussi l’affaire du défilé militaire souhaité par M. Trump, qui a outré des militaires américains peu enclins à faire ainsi étalage de leur puissance devant un élu, mais surtout les annonces successives du président sur le retrait des forces américaines de Syrie, auquel l’armée américaine s’oppose farouchement.
C’est d’ailleurs la première annonce unilatérale sur ce retrait en décembre 2018 qui a conduit l’ex-ministre de la Défense, Jim Mattis, un ancien général des Marines, à démissionner avec fracas. Dans une lettre soufflet à Donald Trump, il avait rappelé notamment au président les devoirs des États-Unis envers leurs alliés.
Signe des tensions persistantes entre les deux hommes, Donald Trump a qualifié récemment Jim Mattis de « général le plus surestimé du monde », lequel a répliqué qu’il avait « fait [ses] preuves sur les champs de bataille [tandis que] Donald Trump a fait les siennes avec une lettre d’un médecin ».
Le président américain a fait une partie de ses études à l’académie militaire de New York, mais il a échappé à la guerre du Vietnam grâce à une exemption médicale motivée par une excroissance osseuse au pied.
M. Trump a été accusé à plusieurs reprises de politiser l’armée. Notamment en juin 2019, lorsque la Maison-Blanche avait demandé, à l’occasion d’une visite du président au Japon, à ce que le nom d’un destroyer lance-missiles baptisé en l’honneur du sénateur défunt John McCain, qu’il détestait, soit tenu hors de sa vue.
Et plus, récemment, la Maison-Blanche a publiquement douté de la loyauté d’un militaire médaillé, le lieutenant-colonel Alexander Vindman, témoin-clé de l’enquête en destitution contre Donald Trump.
« Il y aura toujours des frictions dans les relations entre civils et militaires », analyse pour l’AFP Peter Feaver, un expert des forces armées à l’université Duke. Mais même si les interventions du président pour annuler les décisions de la justice militaire « font partie de ses prérogatives, ce n’était pas faire preuve de sagesse ».
Le sénateur démocrate Jack Reed est allé plus loin en qualifiant ces interventions de « honteuses et irresponsables », et en dénonçant une administration Trump « dysfonctionnelle ».
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