Trump aimerait bien acheter le Groenland du Danemark. Les Danois ne sont pas intéressés à vendre. Les Américains possèdent au Groenland une base militaire qui a déjà failli être la cause d’une catastrophe nucléaire qui aurait pu aussi dévaster le Québec. Je vous raconte l’histoire danoise et je garde le dénouement québécois pour la fin.
Le 21 janvier 1968, un B-52 avec quatre bombes thermonucléaires à son bord s’écrase près de la base aérienne de Thulé, dans le nord-ouest du Groenland, dispersant plusieurs kilos de plutonium radio-actif dans les environs. Durant la guerre froide, le Pentagone maintenait constamment en vol des B-52 dotés d’armes thermonucléaires à proximité de l’Union soviétique prêts y à frapper des objectifs (Opération «Chrome Dome»).
Alors que le B-52 se trouvait en patrouille près de Thulé, un incendie s’est déclaré à bord que l’équipage a été incapable d’éteindre. Avant le décollage, trois coussins de mousse recouverts de tissu avaient été placés devant un des évents réchauffant la cabine. Une surchauffe de l’air provenant des moteurs les a enflammés. Six des aviateurs sautent en parachute et un septième meurt. Il n’est pas parvenu à quitter le B-52 qui s’écrase sur la banquise avec ses quatre bombes atomiques. La dispersion des débris des charges nucléaires entraîne une grave contamination radioactive, mais pas d’explosion nucléaire.
Les États-Unis et le Danemark ont mené une intensive opération de nettoyage et de récupération, mais des éléments d’une des bombes atomiques n’ont jamais été retrouvés. Le pentagone a immédiatement interrompu les opérations “Chrome Dome” après l'accident. On a finalement compris à Washington les risques sécuritaires et politiques de ces missions.
En 1995, l’affaire a provoqué un scandale politique à retardement au Danemark, lorsqu'un rapport a révélé que Copenhague avait secrètement donné la permission aux États-Unis de déployer des armes nucléaires au Groenland, en violation de la politique danoise de 1957 proclamant le Groenland une zone dénucléarisée.
L’US Air Force a toujours nié toute responsabilité pour les problèmes de santé des quelques 500 militaires qui ont nettoyé la zone d’écrasement. Certains de ces militaires à la retraite ont tenté de poursuivre le Pentagone en 1995, mais l'affaire n’a pas eu de suite: une loi fédérale protège les forces armées américaines contre les accusations de négligence formulées par leurs membres. Tous les demandeurs sont depuis décédés d'un cancer.
Et le Québec dans tout ça?
C’est que le B-52 avait décollé de la base de Plattsburgh à 35 km de la frontière du Québec et à 80 km au sud de Montréal. L’incendie aurait pu se déclarer alors qu’il survolait pendant des heures le Québec pour rejoindre la mer de Baffin.
La 380e escadre de bombardement du Strategic Air Command avec ses bombardiers et ses armes thermonucléaires y a été basée de juillet 1955 à septembre 1995. Un accident semblable aurait donc pu se produire de multiples fois au Québec alors que des bombardiers nucléaires allaient et venaient au-dessus de chez nous.
C’est même déjà arrivé une fois, heureusement sans conséquence funeste. Le 10 novembre 1950, la détonation non atomique d’une bombe nucléaire s’est produite au sud-ouest de Rivière-du-Loup. Plusieurs habitants du village de Saint-André-de-Kamouraska ont observé un flash fulgurant au milieu du fleuve accompagné d’une épaisse fumée. Dans les jours suivants, Ottawa a publié un laconique communiqué affirmant qu’un avion américain avait connu une avarie au-dessus du Saint-Laurent en volant en direction des États-Unis. Un point, c’est tout.
Que s’est-il passé?
En juin 1950, après l’invasion de la Corée du Sud par la Corée du Nord, soutenue par l’Union soviétique, Washington craint que cela dégénère en guerre mondiale avec l’URSS, qui possède maintenant l’arme atomique. L’ambassadeur américain à Ottawa demande au premier ministre Louis Saint-Laurent de permettre le déploiement à Goose Bay au Labrador de bombardiers nucléaires B-50, afin de les rapprocher de leurs cibles dans la région de Mourmansk. St-Laurent acquiesce, sans même en parler à son cabinet.
Lorsque les Américains se convainquent que le conflit sera circonscrit à la péninsule coréenne, ils rappellent leurs bombardiers atomiques. En route, un des B-50 présente des problèmes de moteurs. Il est armé d’une bombe Fat Man, comme celle qui a pulvérisé Nagasaki en 1945. Par mesure préventive, le commandant de bord largue la bombe dans le fleuve sans sa charge nucléaire. Une partie de ses débris reposent toujours au fond du Saint-Laurent.
On a aussi eu des armes nucléaires US déployées ici au Québec. Les Américains ont tordu le bras du premier ministre Lester Pearson pour qu’il consente à ce que des missiles nucléaires Bomarc soient positionnés à La Macaza, près de Mont-Tremblant. Des missiles nucléaires américains Genie équipaient également les intercepteurs CF-101 basés à Bagotville au Saguenay–Lac-Saint-Jean et à Val-d’Or. Seuls des militaires américains sur place pouvaient les armer.
On est chanceux au Québec d’avoir évité une catastrophe nucléaire avec toutes les armes atomiques qui proliféraient autour de nous pendant près de 50 ans.
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